Aucun amant, aucun cadran...

Publié le par Sonia

On se donnait rendez-vous dans le petit hôtel situé en face de la gare du Nord.

Les après-midi, comme ça, entre soupirs, rires et bouffées de clopes, on se racontait.

On parlait de nous, de nos vies, de nos vies sans nous bien sûr, côte à côte allongés, légers, les jambes mêlées sous le vieux couvre-lit élimé. Râpeux sur nos peaux. 

Parfois, je jouais les coquettes et je minaudais l'air de rien sur les tentations, ces autres hommes qui me courtisaient, me désiraient. Tu feignais l'indifférence, moi la surprise nonchalante.

Chacun dans son rôle.

Mais très vite, lassés de nos postures, nous revenions à nous. Aimantés. Des morceaux de nous. L'un vers l'autre, l'un dans l'autre, sur mes seins, tes lèvres, mon cul, moi, toi. 

Toi, et ton putain de cerveau. 

 

Je riais de toi. De ta mémoire de merde, de ta faculté d'oubli, quoi que tu en dises. 

Je riais de moi aussi, de ma mémoire de cinglée, celle de ne perdre aucun détail, jamais. Du temps qui passe sur mes amours qui ne s'échoient pas. Quoi que j'en dise. Mes choix. 

 

Et puis, nos jambes adossées au mur, pieds en équilibre, orteils collés sur les peintures usées, on fredonnait la même musique, un écouteur chacun dans les oreilles, comme deux vieux adolescents en sursis dans un sas. 

On écoutait, désinvoltes, des airs gais, des airs tristes, tentant de couvrir au loin le bruit des trains en partance, remplis de gens en route vers leurs ailleurs. Aucun de nous deux n'étaient dupes, personne ne tenait vraiment la distance, à cet instant.

A l'heure où nos peaux, elles, ne savaient jamais quand elles se retrouveraient, si elles se retrouveraient à nouveau, ainsi en confidence, tu m'embrassais alors dans une douceur infinie et, tes yeux dans mes yeux, tu m'engloutissais entièrement dans tes renoncements. 

Tu m'engloutissais, toute entière. Moi, et mon putain de cerveau.

 

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E
se cogner la tête dans l'ouate du ciel de lit
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S
<br /> <br /> Emmanuelle,<br /> <br /> <br /> Comme cela me fait plaisir que vous soyiez venue, ici, me lire. Cette ligne de vous me réjouit vraiment. <br /> <br /> <br /> Comme si vous saviez, qu'il y a des jours comme ce jour, qui filent un peu mauvais coton, et que votre "ouate du ciel" tombe à pique en mon coeur plein.<br /> <br /> <br /> Mais peut-être le saviez-vous, Emmanuelle…<br /> <br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Je peux relire...encore,<br /> Touchée.<br /> <br /> <br />
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W
<br /> Toute chose a une faim.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Et la faim justifie l'émoi...<br /> <br /> <br /> <br />
I
<br /> espèce de saleté ;)<br /> <br /> <br />
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K
<br /> La gare du Nord. Pas perdue pour tout le monde.<br /> ( c'est ça, fait le malin)<br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Tu le fais tellement bien...<br /> <br /> <br /> <br />