Longtemps
Je marcherai le long de la rivière
sous mes pieds
les herbes folles
les coquelicots et les ronces
compactes
caresseront mes chevilles
rien n'y fera
rien n'arrêtera
et les cris des moineaux
tout là-haut
rythmeront
mon pas
deux trois quatre
la valse lente
deux trois quatre
la valse lente
des adieux
tout au bout de mes pas.
Je marcherai le long de la rivière
longtemps,
sous le ciel haut
au loin
l'horizon
les vignes et les champs de blé
plus loin encore,
notre refuge
où nous rêvions
où nous causions
où tu tremblais
parfois,
où s'ouvraient les coeurs
un peu,
les papilles
et tes yeux de gamin verrouillé
Je marcherai le long de la rivière
comme un bon petit soldat
les orties
effleurant mes jambes
nues
pour te retrouver
dans le chant des corbeaux
au creux des arbres
et sur ma langue,
le goût
d'une tige de chardon
mâchonnée
déguisée en pâquerette
les poings serrés
le corps en mouvement
Je marcherai le long de la rivière
longtemps,
comme un soldat en colère
je mettrai le feu aux champs de blé
me soûlerai dans les vignes
violerai nos souvenirs
balancé au fond de la rivière
ce qu'il fut de toi
réduit
en cendres
ce qu'il reste de moi
des chagrins de l'enfance
des quatre cents coups
deux trois quatre
du souffle
des rires
les bleus sur les jambes
nues
les coups
deux trois quatre
Je marcherai le long de la rivière
longtemps,
comme un bon petit soldat
je m'en retourne faire la guerre
en souvenir de toi,
le gosse dérouillé.